Laboratoire Communication, culture & Société

Programme AFSSET "Environnement-Santé-Travail "

Gestions biologique et sociale de la dispersion des résistances aux antibiotiques.

samedi 22 décembre 2007 par Igor Babou

Coordinateur scientifique :

Dominique SCHNEIDER Université Joseph Fourier, CNRS Grenoble LAPM CNRS UMR5163

Equipes participant au projet :

- Dominique SCHNEIDER : Université Joseph Fourrier, Laboratoire Adaptation et Pathogénies des Microorganismes (Grenoble)
- Pascal Simonet : Ecole Centrale de Lyon, Laboratoire AMPERE UMR CNRS 5005
- Gérard Klein  : Université Joseph Fourrier, CNRS-CEA, Laboratoire de Biochimie et Biophysique des Systèmes Intégrés
- Igor Babou et Joëlle Le Marec : ENS LSh, Laboratoire Communication, Culture et Société

Télécharger le rapport scientifique final (partie réalisée par le C2So uniquement)

Télécharger l’ensemble du rapport scientifique final (biologie et partie réalisée par le C2So)

Contexte scientifique du projet

L’histoire de l’Homme se caractérise par une bataille continuelle contre les microorganismes à l’origine d’infections et de maladies. Des avancées considérables ont été réalisées, avec le développement de molécules antibactériennes et d’antibiotiques. Cette première victoire n’a cependant été que de courte durée, remise en cause par la rapidité avec laquelle les bactéries se sont adaptées aux antibiotiques. Leur usage abusif et mal approprié a entraîné la sélection de bactéries résistantes. Les mécanismes de résistance se sont progressivement diversifiés et, du fait de leur localisation sur des éléments génétiques mobiles, les gènes se sont rapidement dispersés entre bactéries par transfert horizontal. La situation actuelle est très préoccupante, de nombreuses bactéries pathogènes étant devenues multi-résistantes aux antibiotiques. Les solutions à ce grave problème de santé publique ne passeront que par des actions rapides et efficaces pour découvrir de nouvelles molécules, optimiser leur utilisation, mais aussi limiter la diffusion des gènes de résistance.

La gravité de la situation actuelle est telle que seules des parades à plusieurs niveaux permettront de faire face efficacement à cette nouvelle menace :

- une première action passe nécessairement par un effort très important pour découvrir de nouvelles molécules efficaces sur les cibles cellulaires identifiées, l’efficacité des molécules existantes étant fortement compromise par les mécanismes de résistance. La chimie et la biologie combinatoire offrent d’intéressantes perspectives, mais c’est certainement au sein de l’inépuisable réservoir des molécules produites par les microorganismes colonisant les différents environnements de notre planète que l’homme pourra découvrir les nouveaux médicaments anti-infectieux.

- Cette course vers de nouvelles molécules ne doit pas faire oublier que des facteurs sociaux interviennent également d’une manière encore mal connue, d’une part dans les conditions qui favorisent les effets de la résistance aux antibiotiques, d’autre part dans l’application des résultats de la recherche biologique et médicale. Les campagnes d’incitation aux changements de comportements sanitaires et sociaux ne peuvent représenter à elles seules le « volet social » de la réflexion sur les résistances. On citera par exemple la gestion des traitements antibiotiques de façon à limiter l’apparition des résistances (comme la combinaison de plusieurs molécules actives, la sélection de bactéries résistantes à plusieurs antibiotiques n’apparaissant qu’à des fréquences beaucoup plus faibles). On sait par ailleurs que dans certains contextes internationaux de recherche et de développement de molécules visant à lutter contre des pathologies endémiques (maladie de Chagas), les populations visées par l’élaboration des thérapies n’ont jamais bénéficié des retombées d’une production scientifique pourtant significative et bien soutenue au plan économique : étaient en cause le manque de définition politique des besoins sociaux et l’inadéquation entre recherche locale, besoins médicaux et enjeux internationaux de la communication et de la légitimation des connaissances au sein de l’institution scientifique (Kreimer et Zabala, 2006 ; Kreimer et Meyer, 2006).

Axe 4 du projet (Laboratoire C2So)

Pratiques de communication de tous les acteurs impliqués par les recherches concernant l’impact des pratiques sociales ou professionnelles sur les résistances aux antibiotiques : interactions directes ou médiatisées, dispositifs, modèles de communication mobilisés, type de savoirs en confrontation

Nous partons d’un constat, celui de la focalisation des chercheurs et des décideurs sur un modèle « vertueux » des relations entre science et société qui repose sur le principe suivant : « production de connaissances scientifiques + diffusion vers le public => changement des pratiques allant dans le sens des intentions des tutelles et des scientifiques ». Selon ce modèle de gestion politique du rapport science-société, la relation entre scientifiques et publics est le plus souvent indirecte, médiatisée. Elle vise un public considéré comme une instance abstraite, essentiellement mue par une curiosité supposée pour la thématique qu’on lui propose de comprendre, mais n’ayant a priori pas d’intérêt direct pour entrer en contact avec les scientifiques : c’est le modèle d’une vulgarisation « missionnaire » de la science, censée diffuser le plus largement possible la connaissance dans la société, indépendamment des intérêts pratiques ou politiques des sujets sociaux. Or, il a été montré depuis longtemps que ce modèle était à la fois incomplet et inopérant (Roqueplo, 1974). Nous allons donc porter une attention à des phénomènes trop peu souvent étudiés de mise en relation directe de la recherche et des acteurs concernés au plan pratique par ses enjeux. Certains travaux antérieurs ont montré l’importance de ce type de relation qui détermine des modes d’appropriation de la connaissance ou des positionnements par rapport aux sciences bien différents de ceux observés dans le cas de la vulgarisation, avec parfois des effets inattendus comme l’émergence de solutions alternatives aux solutions scientifiques habituellement privilégiées dans le traitement d’un problème d’environnement, par exemple (Wynne et al., 2005), ou au contraire des effets rendant très difficile l’accès des scientifiques à certaines ressources naturelles dans le cas de la recherche de nouvelles molécules à partir de végétaux utilisés comme médicaments par des cultures indigènes (Soto Laveaga, 2005). Il existe de multiples situations dans lesquelles des chercheurs et des acteurs de toutes sortes, mus par des intérêts pratiques pour telle ou telle thématique scientifique (riverains des terrains de cultures OGM, décideurs politiques, administrateurs de la recherche, associations de consommateurs, lobbies politiques, etc.), entrent en interaction de manière soit directe, soit médiatisée. Ces interactions mettent en jeu à la fois des visions du monde (savoirs académiques, savoirs pratiques, traditions), des valeurs (identités professionnelles, engagements politiques, etc.), des modèles de communication et des légitimités (autorité scientifique, autorité sociale ou politique). Ces interactions sont la meilleure entrée pour une compréhension fine des modes d’implication possibles d’acteurs sociaux dans la recherche elle-même, y compris en tant que simples « accueillants » ou informateurs (agriculteurs, éleveurs, services sanitaires et sociaux, médecins, riverains). Elles sont également une entrée pour étudier les circuits par lesquels les connaissances produites diffusent éventuellement dans de tout autre contexte. Il s’agit d’observer, d’une part, si lors des missions sur les sites de prélèvements, des interactions et des transferts de savoirs opèrent entre riverains ou propriétaires des champs de cultures d’OGM ou éleveurs d’animaux traités aux antibiotiques et chercheurs, d’autre part quelles sont les modalités concrètes de diffusion des éléments produits à l’occasion de la recherche (notamment bien sûr les résultats publiés).

Nous nous situons à la fois dans une anthropologie de laboratoire (celui-ci étant étendu à l’ensemble des espaces où opèrent les chercheurs y compris hors de leurs murs) et dans une socio sémiotique des discours et pratiques sociales à propos de sciences : nous réaliserons donc des observations (avec entretiens et prises de vues) et des recueils de documents (scientifiques ou non) durant toutes les étapes des recherches menées par les laboratoires impliqués dans la réponse à ce projet. Nous mènerons également des observations du même type auprès des acteurs sociaux avec lesquels les chercheurs interagiront. Bien évidemment, les modalités et dispositifs des interactions seront des moments d’observation privilégiés. Nous avons déjà élaboré et testé un cadre théorique et une approche méthodologique pour l’étude des pratiques de professionnels des institutions du savoir (organismes de recherche, bibliothèques, musées). Ils articulent une attention aux discours, objets, et dispositifs (donc à tout ce qui s’inscrit durablement, sous la forme de documents, dans une société), et aux pratiques observées et paroles d’acteurs (donc à ce qui ne s’inscrit que dans le contexte de l’enquête sociologique). Ils mobilisent une sémiotique peircienne et des cadres anthropologiques (Le Marec et Babou, 2003).

L’étude des pratiques de communication permettra une meilleure intelligibilité, à la fois réflexive et partagée, pour l’ensemble des partenaires de la recherche, et une meilleure conscience des modèles implicites qu’ils mobilisent les uns et les autres. Cette recherche interdisciplinaire vise également à développer, chez les biologistes impliqués, une sensibilité aux solutions alternatives à la « course aux nouvelles molécules », c’est à dire à développer un regard mieux armé sociologiquement pour analyser les activités humaines ayant un effet sur le niveau de résistance aux antibiotiques.


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