Pour découvrir l’univers foisonnant et complexe de la culture, le public s’en remet souvent aux avis et conseils formulés par l’entourage, avec lequel les individus partagent une communauté de vues et de valeurs. À cela il faut ajouter les jugements d’intermédiaires experts parmi lesquels les journalistes jouent un rôle essentiel. Les expériences culturelles des individus ont donc à voir avec les goûts partagés avec les uns ainsi qu’avec la confiance accordée à l’expertise des autres.
C’est dans ce cadre et que l’on interrogera les acteurs et les formes de prescriptions culturelles à l’heure de l’Internet. Ce questionnement est particulièrement crucial aujourd’hui, alors que les recommandations de l’entourage ou d’individus anonymes accèdent à une nouvelle visibilité avec l’essor des sites et plateformes du web « participatif ». Ainsi, le succès de certains blogs dits influents, de plateformes comme Facebook ou Twitter et peut-être bientôt de Google+ invite à repenser les mécanismes par lesquels s’élaborent l’expertise et la confiance. Assiste-t-on à un déplacement du pouvoir des médiateurs traditionnels vers les amateurs, les praticiens peu reconnus, les « amis » ou autres « fans » présents sur le web ? Devons-nous admettre qu’une frange du public tend à produire par et pour lui-même une forme d’expertise, s’appuyant peut-être sur de nouveaux critères ? Ou bien, à l’instar de Françoise Benhamou, faut-il considérer que dans le domaine culturel, le sentiment que le public tranche est trompeur dans la mesure où celui-ci est dépendant des critiques et de l’impact médiatique des œuvres ? Donner son avis, voter, liker... ces opérations permettent-elles de construire un jugement culturel et des références partageables ou sont-elles de nouveaux artefacts marketing qui instrumentalisent le « jugement ordinaire » des individus sur le web ? Et enfin, les possibilités offertes par l’internet modifient-elles les pratiques des journalistes eux-mêmes, qui disposent de nouveaux espaces d’énonciation moins restreints et moins contraints (temps, fréquence, taille) que ceux des médias traditionnels ?
Ces rencontres aborderont principalement les questions relatives aux acteurs et aux formes de prescriptions culturelles à l’heure de l’internet.
1. Les acteurs du champ culturel : continuités, déplacements et interactions
Si les travaux de Rémy Rieffel ont bien montré l’interpénétration entre le milieu des médias et celui des intellectuels ainsi que la manière dont les journalistes ont, depuis vingt ans, court-circuité les intellectuels dans la création/diffusion des messages culturels ; qu’en est-il aujourd’hui ? De quelle manière les sites d’actualité culturelle, les forums, les blogs et les plateformes des réseaux sociaux numériques font-ils évoluer le champ de l’information culturelle ? Comment se répartissent les rôles, comment se tissent les liens entre les différents acteurs qui établissent et imposent les canons du jugement culturel dans la société ? Comment se construit l’expertise, comment s’établit sa reconnaissance ? Quels sont les critères de légitimité pour produire jugements et prescriptions ?
2. Les formes de recommandations et de prescriptions culturelles
Yves Jeanneret parle de « trivialité des êtres culturels » pour souligner la mobilité, la plasticité des productions et discours culturels. Mais de quelle manière les espaces numériques interviennent-ils sur les modalités d’expression, de partage, d’échange et de circulation des appréciations comme des productions culturelles.
Entre praticiens, institutions, experts, amateurs, consommateurs ou usagers, comment se négocie la visibilité, la reconnaissance ou l’influence ? De quelles manières les dispositifs numériques informent-ils la production de jugements sur la culture ? Si commenter, voter, noter, partager constituent des actions permises et sollicitées par les sites web, dans quelle mesure cela peut-il interférer avec le travail critique des journalistes et autres « gate-keepers » de la culture ?
Programme
9h : Accueil des participants
9h15 : Introduction des rencontres, Geneviève Boidin-Lallich (Université Lyon I, directrice d’ELICO) & Isabelle Garcin-Marrou (IEP de Lyon, directrice adjointe d’ELICO)
9h30 : Yves Jeanneret (GRIPIC, Université Paris 4 Sorbonne), « La construction des dispositifs de médiation de la valeur »
10h15 : Marie-Sylvie Poli (Centre Norbert Elias, Équipe Culture et Communication, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse), « Les nouvelles formes de critique participative, objet de recherche interdisciplinaire »
11h : Pause
11h15 : Ghislaine Chartron (CNAM, titulaire de la Chaire d’« Ingénierie documentaire », DICEN) et Gérald Kembellec (CNAM, Paragraphe), « Le moteur de recommandation : un nouveau médiateur des contenus ? »
16h15 - 17h30 : Table ronde. « Tous critiques ? Les nouvelles formes de prescription de la culture sur l’internet »
Animation : Rémy Rieffel (CARISM, Université Paris 2 Panthéon-Assas) Avec Anne-Caroline Jambaud (journaliste - à confirmer), Olivier Jouvray (Scénariste BD), Anne Meyer (Bibliothèque Municipale de Lyon), Michaël Fleury (Artilinki)
Organisation Valérie Croissant, William Spano, Annelise Touboul (Univ. Lyon 2, ELICO) Adeline Wrona (Univ. Paris 4 Sorbonne, GRIPIC) Sarah Cordonnier (Univ. Lyon 2, Centre Norbert Elias)