La problématique générale du projet COMMINT prend à bras le corps l’évolution actuelle de l’Internet et la difficulté à définir le rôle des technologies de l’information et de la communication dans la gestion politique de la société : instabilité permanente de la technique et relative stabilisation des usages, affrontements entre tenants du libre accès et intérêts économiques, hétérogénéité des acteurs et pluridimensionnalité de la « fracture numérique », incertitude des modes de régulation et signes de repli sécuritaire ou « tribal ».
Ces questions, qui constituent un enjeu essentiel pour la démocratie du XXIème siècle, seront travaillées dans une perspective comparatiste et francophone, à partir de trois sous-ensembles fonctionnels :
Le premier volet sera consacré à une analyse du concept et des pratiques de la « gouvernance électronique » : l’étude de l’implantation des TIC au service de la modernisation de l’administration publique et d’internet comme nouvel instrument de communication publique et politique envisagera les possibilités et limites de cette notion . On peut distinguer deux aspects de l’e-gouvernance : l’e-administration et l’e-démocratie. L’e-administration est un mode de travail ou de délivrance des services dont les caractéristiques sont la performance accrue et le coût réduit, la simplicité, l’accessibilité, la personnalisation et la rapidité (proches de l’e-commerce). L’étude de l’e-administration sera axée sur la quantité et la qualité des services de l’administration gouvernementale accessibles par les TIC ; il s’agira de procéder à la fois à un inventaire et à une évaluation de ces services dans le but de vérifier la concordance entre la demande et l’offre. L’e-démocratie comporte pour sa part deux composantes inter-reliées qui touchent d’une part aux pratiques liées à l’exercice du pouvoir et à la participation politique formelle et d’autre part, aux idéaux que met en scène le mot démocratie (transparence, accessibilité, liberté égalité, etc.). La première composante renvoie à "l’élargissement du Parlement" comme lieu de délibération et de décision et concerne tant l’usage spécifique que font les parlementaires des TIC que celui du Parlement comme principal lieu de représentation des citoyens. La recherche visera à rechercher l’impact de l’utilisation des TIC sur les liens entre les élus et la population et évaluer les conséquences de la technologie sur les processus politiques (commissions parlementaires, audiences publiques, etc.). La deuxième composante de l’e-démocratie porte sur la participation politique non traditionnelle et fait référence aux attitudes que peuvent développer de manière successive ou concomitante les citoyens par le biais des TIC : l’accroissement de l’information politiquement significative et l’empowerment des individus et des groupes. Militantisme cybernétique, mobilisation par les TIC et pratiques de réseautage seront analysés. Nous souhaitons montrer que la notion d’e-gouvernance associe ces deux types de promesses - sinon de fonctions - en postulant une transformation des relations entre la politique et le citoyen fondée sur les capacités de la technique. Nous étudierons les politiques publiques mises en œuvre pour cet objectif, ainsi que leurs modalités d’inscription dans l’agenda politique national et international des nouvelles régulations et nous essaierons de dégager quelques-unes des conditions de leur bonne fin ou de leur contournement.
Membres : F Massit-Folléa et Thierry Vedel (F), AM Gingras et M Raboy (Qc) + doctorants
Le second volet interrogera les modes de politisation de l’objet technique informatique : en envisageant le mouvement de l’informatique libre comme un catalyseur de la controverse sociale autour de la présence de l’informatique et de l’internet dans nos sociétés, il visera à préciser les enjeux de cette controverse (Internet comme bien commun et nouvel espace de communication versus Internet privatisé et nouvel espace de marché) ; deux domaines seront privilégiés : le fonctionnement des collectifs en ligne et la nature et valeur des échanges de fichiers musicaux et d’articles scientifiques. Du côté français, les thématiques de ce second axe seront abordées selon la notion de « politisation des usages » développée par Conein et Auray à partir de l’étude de collectifs en ligne (DEBIAN Users et DEBIAN French), en approfondissant la recherche sur l’émergence des normes et le croisement entre normes techniques et normes sociales. Ces analyses sur le mouvement du libre seront complétées en examinant les débats en cours autour de la diffusion de musique et d’écrits scientifiques sur Internet, débats marqués par l’affrontement entre deux conceptions de l’échange (marchand et non marchand) sur le réseau. Il s’agira de procéder à un recensement comparatif des initiatives réglementaires et des innovations technologiques (cryptage et royalties versus open source et freeware) dans un contexte international, et d’éclairer les divergences et convergences d’intérêts entre les acteurs anciens et nouveaux des deux domaines, à travers l’analyse des formes, outils et arguments de la controverse.
Membres : N Auray et B Conein (F), Th Bardini et S Proulx (Qc) + doctorants
Le troisième volet se consacrera aux formes et valeurs qui sous-tendent l’appropriation sociale et citoyenne des nouvelles technologies, principalement chez les jeunes : par l’analyse des représentations par la grande presse de l’évolution d’Internet ces dix dernières années, par l’étude des « trajectoires d’usages » de plusieurs publics-cibles et de l’importance des réseaux sociaux pré-existants dans leur appropriation des nouvelles technologies. Cette approche est novatrice à deux égards. Du point de vue des réseaux de personnes, on s’intéresse à l’impact des réseaux personnels sur l’appropriation des TIC, prenant ainsi le contre-pied des études antérieures qui ont surtout cherché à comprendre et à mesurer l’impact des technologies sur les réseaux sociaux. Précisons que cet angle de vue - du réseau vers la technologie - ne présume pas de l’influence plus forte du premier vers le second. Nous considérons plutôt que réseaux sociaux et réseaux techniques s’influencent réciproquement et, à cet égard, les résultats de notre recherche permettront, nous l’espérons, de rétablir l’équilibre des connaissances concernant ces processus d’influences réciproques. Du côté français, il sera procédé (1) à une analyse de corpus de presse (PQN française et québécoise) permettant de cerner l’évolution des représentations d’Internet proposées par les médias au cours des dernières années, (2) à l’exploitation complémentaire des enquêtes du précédent programme COREVI et à la réalisation de deux nouvelles enquêtes, centrées sur la notion de « trajectoires d’usages » chez de jeunes adultes de la région parisienne et (3) à la réalisation de deux enquêtes dans des « espaces publics numériques » fortement insérés dans un quartier de Paris / une commune rurale du Sud-Ouest.
Membres : S de Cheveigné, J Jouet (France), M Frenette, J Lajoie, S Proulx et J Saint-Charles (Qc) + doctorants
Bilan des Activités 2003
A. Liste de discussion : La « liste électronique de discussion » mise en place pour le précédent programme COREVI a été transformée en liste COMMINT. Cette liste est un outil qui a permis la tenue de quelques débats entre nous, de même que l’organisation efficace de nos rencontres communes à Paris et à Montréal. L’administrateur de cette liste est toujours Jacques Lajoie (lajoie.jacques@uqam.ca). À travers le fonctionnement de cette liste, nous poursuivons l’expérience de la collaboration en réseau. La liste est également un outil efficace pour faciliter la circulation d’informations utiles à la bonne marche du projet commun (bibliographies, annonces de conférences, pre-prints, etc.).
B. Colloque "Communautés virtuelles" à l’UQAM les 6 et 7 novembre 2003 Missions des membres français : S de Cheveigné, Pierre Mounier, Thierry Vedel (une semaine), Anne Goldenberg (stage) Colloque organisé en partenariat avec Hexagram, l’UQAM, le CIAM et la TÉLUQ.
C. Séminaire fermé et Colloque "Internet, nouvel espace public mondialisé ?", à Paris les 27 et 28 novembre 2003 Missions des membres québécois : Jacques Lajoie, Serge Proulx, Marc Raboy (une semaine), Jeremy Shtern (stage) Le séminaire du 27-11 a permis de préciser les orientations et tâches à venir des membres de COMMINT. Le Colloque du 28-11, parrainé par Mme la Ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles technologies, et organisé en partenariat avec l’association Les Canadiens en Europe (président du chapitre France : M. Loïc Jean), a rassemblé plus de cent personnes, universitaires, décideurs publics et partenaires de la société civile.- programme ci-joint. Il est à noter que le colloque a été honoré de la participation effective (et impromptue pour deux d’entre elles) de trois hautes personnalités : en ouverture de la séance du matin, M. Alexandre Moatti, Conseiller Nouvelles technologies de Mme Claudie Haigneré ; en ouverture de la séance d’après-midi, M. Laurent Sorbier, Conseiller pour la société de l’information au cabinet du Premier Ministre ; en clôture, Son Excellence M. Michel-Yves Peissik, ambassadeur représentant la France au Sommet Mondial sur la Société de l’Information. De plus il a effectivement contribué, comme envisagé, à l’ouverture d’une dimension européenne de la problématique, avec un conférencier issu de la Commission européenne, un universitaire belge et un universitaire allemand.
Le bilan de ces deux manifestations scientifiques est très positif de l’avis des participants membres du programme COMMINT et des participants (conférenciers et invités) extérieurs. Deux publications, l’une au Québec pour le premier Colloque, l’autre en France pour le second, sont prévues pour 2004.
Programmation des activités prévues en 2004
Nous avons mis à l’agenda quatre activités principales pour l’an 2004 :
a) un Colloque international de deux jours à Paris (Ministère de la Recherche) les 27 et 28 mai 2004. Thème : "L’Etat et les citoyens à l’ère Internet"
Nous retenons pour ce colloque deux thèmes majeurs en étudiant à chaque fois les enjeux, formes et significations qu’ils recouvrent :
Les TICs et les transformations de l’Etat et de l’action publique.
TICs et réorganisations de l’appareil politico-administratif
TICs et européanisation (mondialisation ?) des politiques publiques
Représentations de l’action publique dans une société de l’information
Les TICs et les nouvelles dimensions de la citoyenneté.
L’émergence de citoyens-consommateurs
La restructuration de la société civile et ses nouvelles formes d’expression
Les nouvelles frontières entre espaces public et privé.
b) et c) la publication de deux ouvrages constituant les Actes du Colloque des 6-7 novembre et ceux du Colloque du 28 novembre 2003 (parution au printemps 2004).
d) l’organisation au dernier trimestre 2004 d’un Séminaire de clôture du programme à Montréal.