Nous nous adressons aujourd’hui solennellement à tous les citoyen(ne)s signataires de notre pétition de 2004.
Nous voulons tout d’abord vous informer de l’extrême gravité des menaces qui pèsent sur le monde académique. Nous vous demandons ensuite de relayer ces informations auprès de votre famille, vos amis, vos élus. Nous espérons enfin que tous ceux et celles qui se reconnaissent dans la notion de service public d’enseignement supérieur et de recherche apporteront, comme en 2004, un soutien actif aux initiatives que la communauté académique sera amenée à prendre dans les semaines et mois à venir pour sauvegarder son existence et son avenir. En effet, ces derniers jours, de nouvelles informations confirment la gravité de la situation, que nous décrivons plus loin. Aussi avons-nous décidé de lancer des actions importantes, avec notamment le blocage du Conseil d’Administration du CNRS le 19 juin, de nombreuses actions locales décidées en région et une grève administrative, si nos demandes ne sont pas respectées (voir http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php ?article1921 ). Ces actions nécessitent la mobilisation de tous ceux qui travaillent dans la recherche et l’enseignement supérieur. Des assemblées générales sont actuellement organisées sur les différents campus, il faut les démultiplier dans tous les laboratoires jusqu’au 19 juin pour informer tous nos collègues, déterminer les modalités de la mobilisation du 19 juin et préciser les formes que prendra la grève administrative.
Alors que les protestations contre la politique de Valérie Pécresse se multiplient (voir sur notre site http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php ?article1906 et http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php ?article1912), après une « marche de tous les savoirs » qui a réuni 10 000 personnes en France (voir http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php ?article1901), nous avons le devoir d’arrêter ces réformes qui nous sont imposées sans aucune concertation, contrairement aux allégations de la ministre.
Le gouvernement est en effet en train d’essayer de mettre l’enseignement supérieur et la recherche sous son contrôle direct et au service de l’économie, incapable de comprendre que la science n’est pas un simple outil technique de production de richesses. Françoise Héritier, professeure au Collège de France, répond à cette conception : "Même des sciences humaines et sociales, on attend qu’elles rapportent ! Des bénéfices existent, mais ils sont de l’ordre de la compréhension et de la connaissance, ce qui est déjà énorme. Personne ne peut évaluer la valeur marchande de l’œuvre de Lévi-Strauss." De même Albert Fert (prix Nobel de Physique 2007) déclare : « Les chercheurs doivent être conscients des problèmes de société… mais on ne peut pas imposer une finalité stricte à la recherche ». Mais le gouvernement ignore ces évidences et continue sa marche forcée. Aujourd’hui, il a décidé de s’attaquer au CNRS, organisme de recherche de réputation internationale, car celui-ci pouvait jusqu’à aujourd’hui conduire une politique scientifique élaborée par des chercheurs et non par des politiques. Le gouvernement veut ainsi imposer un découpage du CNRS en instituts indépendants, dont la nomination des directeurs et les budgets seraient contrôlés directement par le pouvoir politique. Cela signifierait la disparition du seul opérateur global de la recherche fondamentale en France. Cette disparition entraînerait l’affaiblissement de tous les secteurs de la recherche publique, en particulier la recherche universitaire, puisque dans la plupart des UMR (Unités Mixtes de Recherche), un des partenaires est universitaire. L’inquiétude est particulièrement grande pour certains secteurs, tels que l’informatique ou les sciences de la vie, disciplines qui seraient chapeautées par des organismes à vocation de recherche essentiellement finalisée, au détriment de la recherche fondamentale. Quant aux SHS (Sciences Humaines et Sociales), leur présence au CNRS serait fortement réduite.
La décision de démanteler le CNRS devrait être prise lors de son Conseil
d’Administration (CA), le 19 juin, seul habilité, aujourd’hui, à décider de
cette restructuration. Mais la réunion du CA du CNRS du 19 juin ne doit pas
avoir lieu ! Nous sommes en effet décidés à bloquer ce processus de
destruction et appelons tous les personnels, avec les syndicats, à empêcher
le 19 juin le pouvoir de faire croire que sa "réforme" se fait avec
l’assentiment des personnels concernés. Ces derniers ont, depuis des années,
fait des propositions pour une autre réforme de la recherche et de
l’enseignement supérieur. Nous sommes très nombreux à demander :
Le non-démantèlement du CNRS en Instituts pilotés par le gouvernement.
La création de 5000 postes dans l’enseignement supérieur et la recherche
afin d’améliorer l’encadrement en premier cycle et d’accroître l’activité de
recherche des enseignants-chercheurs, de réduire la précarité croissante à
laquelle on assiste aujourd’hui et enfin de permettre une réduction des taches
administratives de plus en plus lourdes qui incombent aux
enseignants-chercheurs, chercheurs et ingénieurs de recherche et qui les
empêchent de faire leur métier.
Un plan de développement permettant à toutes les universités, et pas
seulement à quelques unes d’entre elles, d’avoir des locaux répondant aux
normes de sécurité, et dont nous puissions être fiers au lieu d’en avoir
honte.
Une dotation budgétaire décente pour les organismes de recherche et les
universités, condition indispensable à une autonomie véritable (et non
fictive, comme c’est le cas actuellement), notamment en reversant à ces
établissements une partie importante du budget de l’Agence Nationale de la
Recherche.
Une grève administrative sera déclenchée immédiatement si le démantèlement annoncé du CNRS devait être décidé le 19 juin ou effectué à la sauvette cet été. Cette grève pourra prendre des formes multiples : refus des directeurs d’unité de signer des documents administratifs, refus de remettre des rapports scientifiques ou financiers, refus de participer à des commissions d’évaluation pour l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, etc. Nous ferons également appel à ce moyen de pression, utilisé avec succès en 2004, pour faire aboutir les autres demandes vitales pour notre système d’enseignement et de recherche mentionnées ci-dessus. Ces questions deviendront en effet brûlantes au moment du vote des budgets, à l’automne, qui pourraient reproduire la baisse des crédits de base des laboratoires et l’absence de création d’emplois que nous avons subis cette année.