Pour une autre réforme de l’université
Bonjour à toutes et à tous,
En réponse au mail « L’ENS-LSH et la loi sur l’autonomie  » adressé par la direction à l’ensemble de l’école le 28 novembre, le comité de mobilisation de l’ENS-LSH (composé d’élèves, d’enseignants-chercheurs et de personnels de l’Ecole) souhaite exposer les raisons de son action et le maintien de son opposition à l’application de la loi LRU, à l’ENS-LSH comme ailleurs.
1. Une contestation légitime et collective de la loi LRU
Tout d’abord, nous estimons que le vote de cette loi durant les vacances universitaires, sans consultation des principaux intéressés (étudiants, enseignants et personnels) lui ôte une bonne part de sa légitimité. Au delà du contenu même de la loi LRU, l’absence de débat critique et la gestion dans l’urgence caractérisent un dossier qui est pourtant d’une complexité importante. Depuis quelques jours, deux pétitions émanant d’enseignants-chercheurs et de chercheurs ont recueilli un nombre important de signatures. Il s’agit de l’appel « Pour une autre réforme du service public d’enseignement supérieur et de recherche  » (7896 signatures le 30.11.07, sur le site Sauvons la recherche : http://tmp.sauvonslarecherche.fr/spip.php ?article1772) et de la pétition « Les présidents d’université ne parlent pas en notre nom - Pour une université collégiale  » (sur le site Sauvons l’université, 1750 signatures le 30.11.07 : http://www.sauvonsluniversite.com/). De même, la motion de la première assemblée générale commune des collectifs « Sauvons l’Université !  » et « Sauvons la Recherche  » votée jeudi 29 novembre 2007 par plus de 400 personnes à Jussieu (individuels ou mandatés, venus de 22 universités et établissements), réaffirme son opposition à la LRU et appelle dès à présent l’ensemble des personnels de l’université et de la recherche à se mobiliser et faire entendre sa voix lors de la journée d’action avec grève et manifestations du jeudi 6 décembre : http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php ?article25
Ces pétitions s’appuient sur un travail d’analyse émanant des milieux de la recherche et de l’enseignement supérieur qui n’a pas été pris en compte dans l’élaboration de la loi. Compte-tenu de la complexité et des enjeux de l’enseignement supérieur et de la recherche pour notre société, rappelons qu’il avait fallu, de 1981 à 1982, plus d’une année de consultations et de débats largement ouverts (Colloque national « Recherche et technologie  ») : pourquoi prétendre régler aujourd’hui de manière autoritaire et dans l’urgence ce que chacun sait être des problèmes nécessitant le temps de la réflexion collective ?
2. Lutter pour plus de démocratie et de collégialité dans l’enseignement supérieur et la recherche
Ensuite, nous tenons à rappeller que notre position ne porte pas sur les conséquences de cette loi pour l’ENS-LSH, mais sur ce que cette loi implique en général, pour l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les étudiants de l’ENS d’aujourd’hui sont les acteurs de l’université de demain et pas seulement les élèves d’une École.
C’est en bonne partie à cause du manque de garanties sur les objectifs et les principes qui orienteront les compétences élargies des établissements - et surtout de leur présidence - que nous continuons à nous opposer à cette loi. Il nous semble que la revendication d’un pouvoir plus fort de la présidence - quand ce serait « pour faire le bien  » - est incompatible avec les principes de la démocratie.
Pointons de plus la contradiction qu’il y a d’une part à développer partout des modes de régulation participatifs, tout en renforçant les pouvoirs de la présidence au détriment de la collégialité.
3. Une « autonomie  » très asymétrique
Si cette loi parle d’autonomie, celle-ci est toute relative, et surtout elle est orientée au détriment du contrôle collégial des pairs par les pairs. Certes, cette loi encadre certains fonctionnements de la présidence. Mais, elle ouvre surtout des possibilités tout à fait condamnables, dont l’un des meilleurs exemples est la manière dont la LRU applique et étend aux universités les dispositions de la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finance).
Cette LOLF instaure un changement profond dans la manière dont l’État accorde ses crédits aux organismes publics. Elle contient notamment, cela a été expliqué plusieurs fois en AG, un dispositif qui porte le nom de « fongibilité asymétrique  ». Avec la LOLF, lorsque l’État accorde ses crédits, il les répartit en différents types de dépense, en général trois : le fonctionnement, l’investissement et le personnel. La « fongibilité  » est un dispositif qui permet de transférer les crédits affectés à un type de dépense vers un autre. Mais en l’occurrence, cette fongibilité est « asymétrique  » : si les crédits du personnel peuvent être affectés à l’investissement et au fonctionnement, l’inverse n’est pas possible. Concrètement, cela signifie que si un organisme public doit faire des économies, il ne peut les faire que sur le personnel.
La LRU applique logiquement cette mesure aux emplois qui étaient déjà soumis à la contractualisation et à l’externalisation (personnels administratifs et techniques) et, ne serait-ce que pour cette raison, elle remet en cause le principe même d’une « gestion prévisionnelle des emplois  ». Mais la LRU va plus loin : elle permet désormais au seul président de recruter un enseignant-chercheur en tant que contractuel. À cet égard, elle ne fait pas que renforcer la précarisation : elle l’étend à des emplois qui étaient jusqu’alors assez peu touchés (enseignants-chercheurs et chercheurs) et auxquels, précisément, se destinent nombre d’étudiants de l’ENS LSH…
Au-delà du simple intérêt des étudiants de l’ENS LSH, la LRU fait peser une menace sérieuse sur les emplois de tous les acteurs du monde de la recherche et de l’enseignement supérieur. En accordant à une seule personne des compétences élargies, elle remet en cause la qualité de l’emploi pour tous.
4. Agir en proposant des alternatives démocratiques
Qu’une réforme de l’enseignement supérieur et de la recheche soit aujourd’hui nécessaire, nous ne le nions pas. Mais nous restons convaincus que la réforme entreprise par cette loi va dans une direction tout à fait mauvaise, pour des raisons que nous avons de nombreuses fois exposées dans nos tracts et reprises aux AG, et que nous continuerons à exprimer.
Nous tenons également à opposer à la loi LRU des contre-propositions, élaborées comme cela aurait dà » être fait dès le départ - par une consultation démocratique de tous les acteurs précités. À cet effet, nous vous invitons à participer à la journée banalisée du 5 décembre, au cours de laquelle nous commencerons à mettre en place cette réponse à la loi LRU. De nouvelles compétences, oui - mais lesquelles et pour quoi ?
Le comité de mobilisation de l’ENS-LSH.