Communication & langages n° 157 septembre 2008
Présentation
La recherche qui va être présentée dans ce dossier est le fruit d’un travail de terrain qui a réunit une équipe issue de plusieurs disciplines (sciences de la communication, sociologie, biologie) durant plusieurs années autour du thème « images et sciences  »[1]. Une partie des travaux de cette équipe a déjà été publiée[2], mais les articles qui vont suivre sont inédits. Ils présentent à la fois les cadres théoriques et méthodologiques de cette recherche, et certains de ses résultats empiriques.
[1] L’ACI « Terrains, techniques, théories : Images et Sciences : approche comparative de l’évolution de dispositifs sociaux complexes  » était dirigée par Joë lle Le Marec. Elle était composée de Florence Belaen (Cité des Sciences), Anne Cambon-Thomsen (Inserm – Université Paul Sabatier), Pascal Ducournau (laboratoire LISST de l’Université de Toulouse-Le Mirail), Joë lle Le Marec (laboratoire « Communication, culture et société  » - ENS Lettres et sciences humaines) et Igor Babou (laboratoire « Communication, culture et société  » - ENS Lettres et sciences humaines).
[2] Babou, Igor et Le Marec, Joë lle, Les pratiques de communication professionnelle dans les institutions scientifiques : processus d’autonomisation, Revue d’Anthropologie des Connaissances n° 3, 2008, à paraître ; Belaen, Florence, Le planétarium : observatoire de tendances, Revue Culture et Musées n° 10 - Evolution des rapports entre sciences et société au musée (sous la direction de Joë lle Le Marec), novembre 2007.
Introduction
L’un des choix théoriques et méthodologiques qui a été fait au début de ce travail a consisté à appréhender les images scientifiques comme relevant de pratiques d’acteurs et pas seulement comme des surfaces d’inscription de signes. Qu’il s’agisse d’images produites et utilisées au sein des laboratoires, de celles qui émanent des banques d’images des institutions scientifiques, ou encore des images à propos de science circulant dans l’espace public, nous avons considéré que l’enjeu résidait dans l’analyse des pratiques des acteurs qui les utilisent. Il ne s’agit pas ici de dire que le sens des images ne dépendrait pas des formes qui lui donnent sa matérialité, en substituant alors à certaines approches immanentistes de la sémiologie une conception selon laquelle le sens ne résiderait que dans l’interprétation ou dans les pratiques : nous ne succombons pas à un effet de balancier post-structuraliste, ni à un sociologisme naïf. Mais il faut reconnaître que lorsqu’on s’intéresse depuis longtemps au thème « image et science  », la masse des connaissances académiques produites en considérant l’image comme relevant d’analyses de corpus, dépasse de beaucoup les connaissances produites sur la base d’un intérêt pour les pratiques. Il s’agissait donc de combler un vide relatif, de produire de nouvelles connaissances en renouvelant les approches. A cette ambition s’ajoutait celle de prendre au sérieux les injonctions récurrentes de nombre de chercheurs en sciences humaines et sociales, et plus particulièrement en sciences de la communication, qui regrettent que les dispositifs de communication ne soient pas assez étudiés du point de vue de la réception ou de leurs usages sociaux. Ce constat d’un manque récurrent de recherches sur les usages, les pratiques et le sens social des dispositifs de la communication peut également être fait dans le cas des images scientifiques, ou des images à propos de science. Il s’agissait également de contribuer à une redéfinition du périmètre de ce que les recherches situées dans le champ « sciences, technologies et société  » qualifient de « science  », à savoir, le plus couramment, l’espace du laboratoire et de la construction des savoirs par les chercheurs. A travers la construction collective des terrains de cette recherche, nous avons cherché à rendre compte d’un ensemble de pratiques et de dispositifs rarement abordées. D’une part, le niveau de l’organisation institutionnelle des établissements et des professionnels de la communication qui y interviennent (terrain des banques d’images). Ensuite, les pratiques dans lesquelles les scientifiques s’engagent autour des images : pratiques de vulgarisation (terrain des conférences utilisant des diaporamas) mais aussi suivi des images depuis leur production au laboratoire jusqu’à leurs différents usages communicationnels ou pédagogiques. Alors que nous nous attendions à observer une sorte de réseau, de chaîne de mise en circulation des images qui serait partie d’un « intérieur  » ou d’un « amont  » (le laboratoire et ses instruments d’imagerie) vers un « extérieur  » ou un « aval  » (la vulgarisation, les médias ou l’enseignement), il a fallu nous rendre à l’évidence : cette linéarité, si elle peut exister, n’est pas ce qui caractérise fondamentalement ce qui s’est présenté à nous sur chacun des terrains. En revanche, nous avons assisté à la confrontation ou à l’articulation de mondes sociaux, de champs, de légitimités, de normes, et d’un ensemble de productions culturelles, éditoriales et médiatiques : là où la communication se donne à voir comme transparente, destinée à la rationalisation et à la performance de la diffusion entre des pôles (du laboratoire vers le public), la structuration et l’autonomisation des pratiques et des discours liés à la communication construit autant de médiations dotées de spécificités sociologiques et sémiotiques et d’enjeux propres.
Sommaire
Igor Babou Une approche communicationnelle globale
Joelle Le Marec Les banques d’images des organismes scientifiques
Philippe Hert Pratiques médiatiques dans un laboratoire de sciences
Pascal Ducournau et Anne Cambon-Thomsen La mise en scène de la science